Fiche thématique – COVID-19 & Santé
La pandémie COVID-19 est avant tout une crise touchant à la santé de la population, mais elle devient aussi de plus en plus une crise sociale. C’est que l’impact et les risques potentiels pour la santé ne sont pas les mêmes pour tous. Le coronavirus se niche dans les inégalités déjà présentes dans la société et ne fait que les approfondir. Les minorités ethniques, ceux qui vivent dans la misère ou les groupes marginalisés comme les personnes sans abri, les détenus dans les prisons ou les personnes en fuite, sont tous exposés à des risques bien plus grands d’une contamination par le virus ou d’une issue fatale suite à la contamination. C’est ce que montrent les chiffres de contaminations et de décès suite au COVID-19 dans différents pays.
“L’augmentation de la saturation dans les prisons fragilise grandement les détenus face aux maladies, surtout aujourd’hui que nous sommes confrontés à la menace mortelle de la pandémie du COVID-19. Le surpeuplement fait que la sécurité des personnes privées de liberté n’est absolument pas garantie.” – Cristina Palabay, secrétaire-générale de Karapatan, partenaire de Viva Salud aux Philippines.
L’inégalité face à l’impact de la pandémie ne se limite pas au fait de tomber ou non malade et de ses conséquences. Les mesures d’envergure prises par différentes autorités pendant le confinement sont une contrainte insurmontable pour nombre de groupes vulnérables.
Ces grandes différences s’expliquent par les déterminants sociaux de la santé. La santé, c’est en effet bien plus que l’état physique dans son ensemble ou que l’absence de maladie. La santé est déterminée en grande partie par les conditions dans lesquelles les personnes grandissent, vivent, travaillent et vieillissent. Celles qui sont confrontées à de mauvaises conditions de travail et de logement ou qui n’ont pas accès aux biens et services essentiels, comme l’eau, une alimentation suffisante, la protection sociale, l’éducation et les soins, ces personnes tombent plus facilement malades et font face à un plus grand risque d’être contaminées par le coronavirus ou d’être touchées par l’impact de la pandémie.
“La majorité de la population du Honduras travaille dans le secteur informel et ne dispose d’aucun filet social. Ces personnes peuvent perdre leur revenu du jour au lendemain et n’ont pratiquement pas de réserves. Et c’est ainsi qu’on fragilise la portée des mesures. Les gens préfèrent courir le risque d’être contaminés plutôt que de mourir de sous-alimentation.” – Samuel Zelaya, coordinateur d’ ALCISAHO, partenaire santé du FOS au Honduras
Pour les communautés les plus durement touchées, il s’agit avant tout d’un accès limité à des soins de santé de qualité. Différentes barrières (financières, culturelles, géographiques) peuvent entraver cet accès. Même dans des systèmes offrant des soins de santé universels, le nombre de patients par médecin par exemple est souvent plus élevé dans les quartiers pauvres que dans les plus aisés. En outre, de nombreux pays du Sud Global ont, depuis les années 1980, fait des économies dans les soins de santé publics, sous la pression de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International. Ils ont ainsi privé d’importantes couches de la population de l’accès aux services essentiels de santé, et limité les possibilités de mettre sur pied des campagnes de prévention à grande échelle.
Le manque d’accès à des soins de qualité, l’absence d’une politique préventive forte et les mauvaises conditions dans lesquelles certaines communautés doivent vivre, travailler et se loger, ont pour conséquences que les groupes vulnérables sont plus souvent touchés par des maladies chroniques, telles que le diabète, l’asthme, les maladies cardiovasculaires et l’obésité. Ces problèmes de santé préexistants sont un important facteur de risque dans la pandémie actuelle. Les personnes avec des problèmes de santé sont davantage en danger.
Enfin, la situation professionnelle, les conditions de travail et de logement sont des éléments importants qui expliquent l’inégalité de l’impact sanitaire de la crise du COVID-19. Alors que la pandémie a montré à quel point de nombreux jobs sous-payés dans les secteurs de l’alimentation, du nettoyage et de la santé sont essentiels au bon fonctionnement de notre société, le personnel qui y travaille est bien plus exposé au coronavirus. Tant sur le lieu de travail que suite à la nécessité de s’y rendre en transports en commun. Et comment respecter les mesures de quarantaine si on partage une chambre avec sept autres personnes ou que le seul moyen de sortir est d’aller dans la rue ?
« L’insuffisance de moyens personnels de protection (masques adaptés, vêtements de protection, etc.) ainsi que le manque d’appareils de soin et/ou de diagnostic (appareils respiratoires, etc.) dans les hôpitaux qui prodiguent les soins, expose dans une grande mesure les travailleurs de santé au risque de contamination par le COVID-19 et génère un haut niveau de stress parmi le personnel soignant.” –Dr. Jean-Clovis Kalobu, Medical Advisor de Memisa en RD Congo.
La pandémie se déroule donc sur un fonds de fortes inégalités socio-économiques et de fractures sociétales, comme le genre, l’ethnicité, l’âge, l’orientation sexuelle, le niveau d’éducation et la situation géographique. Ces éléments font que l’impact sanitaire du coronavirus est réparti de façon très inégale dans la société. Nous ne pourrons faire face à la pandémie du coronavirus et à de futures crises sans porter attention aux déterminants sociaux de la santé et aux problèmes structurels qui mettent en danger le droit à la santé de milliards de personnes à travers le monde.
C’est pourquoi nous demandons :
- que priorité soit donnée aux Health in AllPolicies dans la gestion politique. Porter attention à la santé dans tous les domaines. Garantir une gestion cohérente qui s’attaque aux déterminants sociaux de la santé, aux racines structurelles de la maladie et qui formule des stratégies à différents niveaux ;
- que les décisions politiques dans des domaines comme la coopération au développement, le commerce et les affaires étrangères contribuent à construire des soins de santé publics de qualité, accessibles à tous ;
- que la politique de santé mette toujours l’accent sur la prévention. Pour chaque euro économisé dans la politique préventive, il en faut bien plus dans une politique curative ;
- que les groupes les plus vulnérables de notre société soient mis au centre des stratégies politiques. En les touchant, on touche tout le monde.
Une suite de trois faits
- Pour 100 millions de personnes dans le monde, les dépenses de soins de santé signifient tomber dans la pauvreté (https://www.who.int/news-room/detail/13-12-2017-world-bank-and-who-half-the-world-lacks-access-to-essential-health-services-100-million-still-pushed-into-extreme-poverty-because-of-health-expenses)
- Aux Etats-Unis, les citoyens noirs courent un risque cinq fois plus élevé que les citoyens blancs de mourir du coronavirus (https://www.cdc.gov/coronavirus/2019-ncov/need-extra-precautions/racial-ethnic-minorities.html)
- 40% de la population mondiale ne dispose ni d’eau ni de savon dans son logement (https://www.unicef.org/press-releases/fact-sheet-handwashing-soap-critical-fight-against-coronavirus-out-reach-billions)
Sources intéressantes
Découvrez via le traceur COVID-19 dans quelle mesure les personnes de couleur aux États-Unis sont plus souvent victimes du COVID-19 – https://covidtracking.com/race
Apprenez-en davantage sur l’impact de la pandémie du coronavirus sur les personnes de couleur et les minorités ethniques – https://www.health.org.uk/news-and-comment/charts-and-infographics/emerging-findings-on-the-impact-of-covid-19-on-black-and-min
Apprenez-en davantage sur l’impact de la pandémie sur les femmes – https://www.unwomen.org/-/media/headquarters/attachments/sections/library/publications/2020/policy-brief-the-impact-of-covid-19-on-women-en.pdf?la=en&vs=1406